Accueil > Point de vue scientifique > Territoire > L'archéologie en territoire innu icône de traces de pas

L'archéologie en territoire innu

Des quelques 8000 sites archéologiques découverts à ce jour dans la province de Québec, plus de 1600 le furent sur la Côte-Nord, soit 20%. Plusieurs de ces sites découlent de la présence innue ancienne sur le territoire.

Au cours des dernières décennies, de nombreuses interventions archéologiques furent menées sur des secteurs composant le territoire d’occupation traditionnel des innues. Un exemple de programme de recherche qui a permis de documenter une présence innue ancienne et contemporaine est celui qui s’est déroulé dans la vallée de la rivière Sainte-Marguerite, qui rencontre le golfe Saint-laurent à une vingtaine de km à l’ouest de Sept-Îles.

Le projet d’envergure visant à ériger un troisième barrage sur cette rivière, à environ 80 km de son embouchure, a entraîné neuf saisons d’interventions archéologiques sur le bassin de la rivière Sainte-Marguerite (1991-1998), dont la firme Cérane fut le maître d’œuvre.

Soixante-sept sites furent ainsi découverts, dont douze furent fouillés et un treizième touché par un inventaire intensif. Dans son analyse, l’archéologue Jean Mandeville incorpore également les 10 sites préhistoriques et 16 sites modernes découverts par l’équipe de M. Pablo Somcynsky sur les rives voisines du lac Gras et de la rivière aux Pékans (Somcynsky 1993). Ils témoignent d’une occupation de ce bassin depuis 4000 ans jusqu’au milieu du XXe siècle. L’interprétation générale tirée de l’analyse du résultats de ces découvertes faite par Mandeville est la suivante :

Ces informations ont démontré que des groupes amérindiens ont fréquenté ces espace depuis au moins quatre mille ans et que la vallée de la Sainte-Marguerite s’inscrivait dans un ensemble de lieux d’exploitation. Deux ensembles géographiques semblent de tout temps avoir contrôlé les déplacements et les usages des occupants. Ces deux ensembles présentent une frontière commune à la hauteur du Grand Portage. Au sud de celui-ci, les occupants participent davantage au monde littoral laurentien tandis qu’au nord les occupants gravitent davantage autour des grands lacs de l’intérieur. (Cérane 2000 : 178).

Deux de ces sites retiennent notre attention : EeDq-1 et EkDr-1. Le premier se situe à une soixantaine de kilomètres de la côte, sur la rive nord du lac Jourdain, dont la traversée constituait une étape sur l’itinéraire d’un long portage permettant d’éviter une section très tumultueuse de la rivière. D’une superficie de 130 m2, il fut fouillé en 1992 et 1994. Laissons Mandeville décrire sa complexité :

De multiples occupations ont été répertoriées lors de l’inventaire et des fouilles subséquentes, occupations qui témoignent de la présence amérindienne pendant au moins quatre millénaires. EeDq-1 est en fait un complexe de sites. Un total de dix-neuf structures a été identifié dont onze ont trait à des occupations préhistoriques. Ces structures réfèrent le plus souvent à des foyers, certains bien en place, d’autres désarticulés, d’autres encore de nature assez fugace (Cérane 2000 : 21).

Son assemblage préhistorique se traduit par 61 outils, 7024 éclats et onze foyers. On a donc affaire ici à un endroit de passage obligé pour les familles ou groupes spécialisés se déplaçant vers l’amont ou l’aval de la barrière naturelle représentée par la longue section de rapides retrouvée à cette latitude. C’est donc dire que des dizaines de groupes, des centaines d’individus ont pu s’y arrêter depuis 4000 ans. Les témoins qu’ils ont laissé de leur passage nous renseignent sur leurs origines, leurs intentions ou leurs relations avec des groupes voisins dans ce secteur que Mandeville a déjà décrit comme un passage nécessaire mais aussi un espace-frontière entre deux grandes sphères d’influence culturelle.

Le site EkDr-1 a été repéré en 1997 sur un replat de la rive droite d’un élargissement de la rivière Jean-Pierre, à l’extrême nord-est du réservoir SM-3. Il n’a pas fait l’objet d’une fouille, mais une série de sondages a permis d’évaluer sa superficie à 350 m2. Même si cette excavation ne représente que 25,5 m2, on y a découvert 35 outils, 383 éclats, et mis au jour six ou sept foyers. De plus, Mandeville souligne la très grande diversité des matières premières représentées dans cet assemblage, soit 21 types de pierre. Soulignons que toutes ces matières trahissent des liens avec le centre du Québec, suggérant que ses occupants aient entretenus des relations avec des groupes de l’ouest, du nord-ouest et du nord. Mandeville résume ainsi sa pensée au sujet de ce site : « Les données recueillies alors rendent compte d’un site remarquable mais dont il est difficile de comprendre toutes les possibilités car le dégagement n’a pu être mené à terme… » (Cérane 2000 : 67).



Haut de page