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Territoire et cycle de vie traditionnels

Les innus occupaient et exploitaient autrefois un immense territoire couvrant tout le bassin versant du Saint-Laurent, entre la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean et le Labrador. C’est ce territoire qu’ils nomment « Nitassinan » (notre terre).

À l’occasion, des familles traversent l’estuaire du Saint-Laurent pour chasser sur le territoire que l’on nomme maintenant le Bas-Saint-Laurent (le missionnaire Henri Nouvel accompagne un groupe au sud de l’actuelle Rimouski en 1663-64). Le nord de l’île de Terre-Neuve est parfois aussi fréquenté, notamment dans la première moitié du 18ème siècle.

Peuple nomade de chasseurs, pêcheurs et cueilleurs de petits fruits, les innus parcouraient ce très vaste territoire au rythme des saisons et des ressources qu’elles annoncent. à l’automne, les bandes constituées d’un certain nombre de familles quittaient leurs campements estivaux, principalement établis à l’embouchure des grandes rivières nord-côtières se jetant dans l’estuaire et le golfe Saint-Laurent.

S’amorçait alors le début d’un long périple à contre-courant sur le parcours de ces mêmes rivières, alors que de nombreux obstacles tels de forts courants ou des chutes vertigineuses étaient évités par l’emprunt de sentiers de portages - certaines longs de plusieurs kilomètres comme les grands portages de la Sainte-Marguerite et de la Moisie.

Les familles se séparaient au cours de cette remontée, les uns demeurant sur le cours principal de la rivière suivie, les autres bifurquant sur des tributaires de moindre envergure. C’est parfois aussi sur le pourtour des grands lacs comme les lacs Manicouagan, Ashuanipi, Minaieku ou encore Petshissikupau que se distribuaient les familles.

C’est dans l’arrière-pays, ou « Nutshimiu » comme ils le nomment, que les innus passent les longs mois d’hiver à poursuivre de providentiels troupeaux de caribous, ou encore à tenter leur chance en pêchant sur un des innombrables lacs de la péninsule du Québec-Labrador. En cas de disette, les espoirs reposent alors sur la petite chasse, celle de la perdrix, du porc-épic ou du lièvre.

Le printemps et le dégel des cours d’eau correspondent à l’amorce du voyage de retour des groupes familiaux vers le littoral du Saint-Laurent. Le mois de mai est celui de l’arrêt de milliers de bernaches du Canada (outardes) sur la côte et sur les lacs, elles qui sont en migration vers l’Arctique canadien. Juin est le moment de la remontée du saumon atlantique dans un grand nombre de rivières nord-côtières, un moment hautement stratégique pour les innus qui le pêchent au flambeau ou encore à l’aide de filets.

Les campements d’été regroupent parfois quelques centaines d’individus. La saison clémente constitue un temps fort de l’année pour les innus : autour des feux, les gens se rassemblent pour y entendre des récits de chasse captivants racontés pas les chefs de famille, les aînés racontent aux plus jeunes des histoires et récits porteurs d’enseignements, et le chaman procède parfois à quelques rites mystérieux...

On rencontre au cours de cette période des gens de qui on s’est séparés depuis de longs mois -voire des années-, on fait connaissance avec des membres de bandes voisines, on y choisit un partenaire amoureux, etc. C’est l’occasion également de réparer ou construire les quelques éléments composant la culture matérielle innue : les armes, les pièges, les contenants, les raquettes et les précieux canots. Et dès le mois d’août venu, on se prépare à remettre le cap vers le nord, au-delà des montagnes qui nous séparent du plateau labradorien et de ses caribous tant convoités.

Ce mode de vie ancestral reposait sur des valeurs traditionnelles de partage et d’entraide qui ont permis la survie du peuple innu jusqu’à ce jour.



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